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Mémoire de Truffes: 1_ M. comme Melanosporum et Monflanquin

 

 

S'il est une ODEUR de champignon qui reste en mémoire c'est bien celle de LA TRUFFE DU PERIGORD. Début 2008 nous étions à Monflanquin en Lot-et-Garonne chez Guy Joui et découvrions, sur ses terres, l'art du cavage en compagnie d'Yvette et Roland Dabos et de leurs amis de l'Association des producteurs de cèpes et champignons du Lot-et-Garonne alors présidée par Rose Pons.

Une relation de cette journée mise en ligne sur Aqui.fr le 30 mai 2008 est toujours consultable sur ce site. Retour sur cette très agréable expérience et quelques angles d'approche.

Le cavage

 On entend par cavage la récolte de ce champignon qui se développe et « mûrit » sous terre. Selon les espèces de truffes (Tuber melanosporum n'en étant qu'une parmi d'autres), les profondeurs où elles se trouvent varient. Les animaux au flair plus affûté que les humains sont mis à contribution. Par l'odeur alléchés chiens, cochons vont, à peu près, droit au but. Le jeu consiste, sans détériorer les truffières, à ne ramasser que des « fruits mûrs » que détecte aussi une mouche minuscule qui y pond ses œufs.

A la poursuite du diamant noir sous la castine de Monflanquin

Sous ce titre, en 2008, nous écrivions ces quelques lignes:

Tuber melanosporum, la truffe du Périgord, surnommée diamant noir, s'est raréfiée. Sa production annuelle en France serait passée en effet de 1000 tonnes à la fin du XIXème siècle à 50 tonnes aujourd'hui. Au marché de Lalbenque, dans le Lot, seulement 20 kilos de « mélano » ont été vendus le 10 mars (2008 NDLA) aux professionnels au prix de 400 à 650 euros le kilo. Pourtant, 300.000 arbres truffiers sont plantés chaque année et ils sont bien mieux mycorhizés aujourd'hui que les chênes verts et autres noisetiers d'antan. Pour autant, malgré ces efforts, des récoltes plus abondantes de truffe tardent à venir.

La symbiose du végétal et du champignon est vitale. Le champignon, qui n'a pas la fonction chlorophyllienne, reçoit de l'arbre le carbone et lui apporte eau et sels minéraux. Cette union pour le meilleur c'est la mycorhize. Elle s'opère au niveau de manchons entourant les radicelles, où s'unissent arbre et mycélium. Les truffes souterraines, porteuses des spores reproductrices, ne seront trouvées qu'au bout d'un certain temps selon l'essence de l'arbre truffier, la nature du sol, l'hygrométrie et bien d'autres paramètres connus en laboratoire mais difficiles à maîtriser et reproduire sur le terrain. Les zones de « brûlé » témoignent de la présence de mycélium et en observant les craquelures du sol, Helomyza tuberivora, petite mouche rousse qui pond ses œufs sur les truffes mûres et odorantes ou grâce au flair d'un animal, le cavage portera son fruit noir à la lumière.

 

 

Quand Guy Joui créa sa truffière, en 1983 à Monflanquin, sur une terre argilo-calcaire où étaient cultivées jusqu'alors des céréales, les arbres qu'il planta n'étaient pas seulement « ensemencés » avec de la melanosporum. Il s'en rendit compte quelques années plus tard quand il récolta aussi Tuber rufum (la truffe nez de chien) et Tuber aestivum (la truffe d'été). Aujourd'hui son terrain d'expériences s'est considérablement agrandi avec des essences diverses bien « mélanosporées ». Sur quatre hectares et demi, l'ancien commissaire de police peaufine sa longue quête du diamant noir qu'il poursuit, qu'il séduit par mille attentions et déniche sous terre avec gourmandise et passion.

 

Castine et micro faune

 

« La première installation date de 83 puis il y eut celles de 90, 92, 95 et 98. Avant 1990 les ensemencements d'apports d'origine étaient de variétés indéterminées d'où les rufum et aestivum. Ensuite ce n'est que de la melanosporum qui est apparue, cela à quinze centimètres maximum du sol de mi-novembre à fin février" nous confiait Guy Joui.

 

"La culture est enherbée et je rajoute une couche de castine qui favorise la micro faune et donne un système racinaire remontant sous la couche de granulat. Nous avons des chênes verts et pubescents et un arboretum de tilleuls, chênes kermes, cèdres, pins d'alep et noisetiers. Ces essences proviennent de tous les endroits de France et se sont bien adaptées sur ce terrain de calcaire blanc agenais du Crétacé avec une proportion de 16 % d'argile. » Guy Joui aime partager toutes ses données, les échanger avec ses amis producteurs de truffes en particulier ceux de l'Association des producteurs de cèpes et champignons sylvestres du Lot-et-Garonne. Cette saison (2007-2008 Ndlr), dit-il, il a connu un problème de pourrissement alors que l'année précédente était meilleure. Sur l'ensemble de ses récoltes il constate « une courbe croissante ».

 

 

 

Pilou pile dessus

La race de Pilou est certes indéterminée mais c'est avec détermination qu'il entre dans la truffière avec Lucien Perier, son maître et dresseur.

 

 

 

On sent chez ce bâtard, au flair aiguisé par les cavages précédents une sympathique impatience, celle des chiens tirant sur leur laisse le jour de l'ouverture. Il va démontrer que sa truffe trouve la truffe. Du flair chez l'ancien commissaire devant des visiteurs très policés et attentifs autour des brûlés, un chien du feu de Dieu qui reçoit sa récompense à chaque découverte. Pilou tourne et s'arrête pile dessus, gratte délicatement la terre et Lucien finit de mettre au jour les diamants noirs sous la castine blanche.

 

 

 

Les spores au microscope pour ne pas se tromper

 

 

 

Comment ne pas se tromper dans l'identification d'une truffe ? Melanosporum ou pas ? L'odeur bien sûr, la couleur aussi, la forme des verrues externes également, les veines noires à la coupe si l'on peut trancher dedans mais le diagnostic est quasi certain au microscope.

 Les truffes (genre Tuber) sont des ascomycètes. Les spores qui vont assurer la reproduction de l'espèce sont contenues dans des asques, des sacs à graines en quelque sorte. On compte en général quatre spores de quelques microns dans chaque asque. Avec un grossissement de quatre cents fois, dans un réactif adéquat et pourquoi pas tout simplement dans l'eau, on distingue au microscope leur forme et surtout leur ornementation. A mille fois, avec un objectif à immersion, le résultat est plus précis.

Les spores échinulées, comme portant des épines, de la truffe du Périgord (melanosporum) sont tout à fait différentes de celles réticulées, comme dans un filet, de la truffe d'été (aestivum). De même on ne pourra pas les confondre avec celles, comme poilues légèrement, de la truffe nez de chien (rufum). Le mycologue que j'essaie d'être a découvert là aussi un monde merveilleux. L'odorat, le goût, la vue, la truffe rassasie aussi l'esprit. Son habitat hypogée force à creuser le sujet. Le bonheur est dans le pré, courez-y vite entre chênes, noisetiers, pins, cèdres et tilleuls sous la castine, dans les brûlés.

 

                                                                                                       Textes et photos                                                                                                                     Michel Pujol

 



13/03/2019
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